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ÉCHO des pressoirs

 

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L'écho des pressoirs n°242 Novembre 2017 (deux numŽros en un mois !)

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Editorial de Jean-Louis : Quid des Vins Naturels ?

Bien qu'ils ne représentent encore que 1% du marché français, les vins baptisés « naturels », ou encore « nature » par ceux qui les font, ont le vent en poupe et suscitent un intérêt légitime, y compris bien sûr dans les petites cellules grises de tous les fins dégustateurs du BCBG (cf. l'édito de Jean-Jacques qui, dans l'EDP 235 de décembre 2016, nous éclairait déjà sur le sujet).

Un an plus tard, le concept suit toujours son petit bonhomme de chemin et nous pouvons à nouveau nous poser la question : qu'est-ce aujourd'hui qu'un vin naturel ?

Dans le maquis des conceptions du « naturel » :

A la différence des labels AB, Demeter et autres, ainsi que des différentes législations européennes qui ont été prises en la matière, la notion de « vin naturel » est encore trop jeune pour avoir été reconnue par les diverses autorités. Aux yeux des instances officielles, le terme de « naturel » n'a donc encore aucune définition réglementaire.

Du coup, les vignerons qualifiant leur propre production de « vin naturel » ont souvent des vues très différentes sur d'autres vins naturels. Les uns considèrent en effet que tout vin naturel doit au moins être biologique, d'autres qu'il doit aussi être biodynamique, quitte à contenir la dose minime de sulfites autorisée en biodynamie. D'autres font au contraire de la seule absence de sulfites le critère unique et suffisant du « naturel », jusqu'à qualifier de « naturels » des vins certes sans sulfites, mais qui ne sont même pas biologiques. Autant de controverses qui risquent de rendre l'identité « vin naturel » illisible.

Une clarification s'impose :

Pour tenter de mettre un peu d'ordre dans ce désordre avant que la grande distribution ne s'en empare pour en faire un label fourre-tout qui n'aurait plus rien de qualitatif, diverses associations de producteurs s'engagent sur des cahiers des charges visant à mieux définir le concept de vin naturel qu'ils défendent.

AVN (Association des Vins Naturels, fondée par le vigneron Marcel Lapierre) est celle qui, parmi ces associations, semble le plus s'imposer, avec un cahier des charges définissant de manière très rigoureuse la notion de naturel. Pour AVN, en effet, un vin naturel doit d'abord impérativement être un vin biologique et, pour passer de la qualité de simple biologique à celle de naturel, il doit aussi, de la terre cultivée jusqu'à la bouteille, renoncer à tout traitement ou ajout d'intrants, mis à part une unique tolérance pour une dose minime de 30 mg/l de sulfites. Son message est clair : « NON, le vin naturel n'est pas forcément sans sulfites, et être sans sulfites ne suffit surtout pas pour pouvoir se targuer d'être un vin naturel ». Même si AVN n'impose pas à ses adhérents une certification bio officielle, elle exige toutefois qu'ils en respectent scrupuleusement les règles.

Comme on trouve toujours plus jusqu'au-boutiste que soi, les quelques vignerons hostiles à cette concession minime aux sulfites se sont regroupés en une petite association dissidente appelée S.A.I.N.S. (initiales de : Sans Aucun Intrants Ni Sulfites). Pour s'opposer au concept de « naturel » tel que prôné par AVN et désigner plus distinctement un vin naturel sans sulfites du tout, les partisans de S.A.I.N.S utilisent volontiers le terme alternatif de « vin nature ».

Petite récap pour situer les vins naturels dans l'univers du bio :

Les vins conventionnels, tout comme les vins certifiés en « Agriculture Raisonnée » (certification délivrée par l'association de l'interprofession agricole FARRE), ou encore les vins AB (certifiés issus de raisins produits en Agriculture Biologique selon le règlement CE 834/2007 modifié), ont droit à un grand nombre d'intrants (dont 150 mg/l de sulfite pour les rouges et 200 mg/l pour les blancs) ainsi qu'à un certain nombre de techniques industrielles modificatrices de la vendange (en annexe 1 : liste des 49 intrants autorisés s et des 8 techniques industrielles pouvant être pratiquées).

Les vins biologiques (dont la certification a été fixée en 2012 seulement selon la norme « UE 203/2012 ») font l'objet d'une réglementation européenne relativement peu contraignante puisqu'elle autorise encore l'utilisation de 35 intrants (dont 100 et150 mg/l de sulfites respectivement pour les rouges et les blancs) et de 4 techniques industrielles (cf. liste en annexe 2)

Les vins biodynamiques tels que définis par le label Demeter n'autorisent plus que 5 intrants, (dont 70 et 90 mg/l de sulfites) et ne tolèrent plus qu'une seule technique industrielle (cf. liste en annexe 3)

Comme nous l'avons vu, les vins naturels tels que définis par AVN n'autorisent plus aucun intrant, hormis un ajout de 30 mg/l de sulfites (40 mg/l pour les blancs) et plus aucune technique industrielle.

Quels bénéfices pour le dégustateur ?

Le principal avantage pour nous, consommateurs, est bien sûr pour la santé. Même si bon nombre de ces intrants restent très naturels (levures, bactéries lactiques, blanc d'œuf, vitamine B1, argile bentonite, charbon végétal, colle de poisson, gélatine, gomme arabique, etc.), d'autres le sont moins et, surtout, des désagréments peuvent survenir de par leurs dosages conjugués.

Quant aux effets sur le goût, nous entrons là sur un terrain où la polémique fait rage. Disons tout net qu'un vin naturel réussi est un plaisir plus grand encore pour les papilles. On peut très logiquement expliquer ce « plus » qualitatif par au moins 3 raisons :

Beaucoup d'intrants et de manipulations industrielles ont sur le plan organoleptique des effets propres qui se communiquent à tous les types de vins ainsi traités, d'où un certain effet niveleur plus ou moins marqué. En échappant à cet effet niveleur, il n'est donc pas étonnant qu'un vigneron puisse, à juste titre, revendiquer pour ses vins naturels une plus grande typicité variétale et de terroir.

Les facilités offertes dans la législation classique par les intrants et les manipulations industrielles permettent de rattraper des vendanges partiellement pourries, insuffisamment mûres, trop ou pas assez acides, et d'éviter les contaminations levuriennes ou bactériennes. Privé de ces commodités, le vigneron naturel est au contraire condamné à ne réussir son vin qu'avec des vendanges parfaitement mûres et saines, qui sont les conditions premières pour un vin de qualité.

Même si les plus sceptiques d'entre les buveurs doutent que les phases lunaires, les cornes de vaches enterrées ou les purins d'orties aient des répercussions directes sur leurs papilles, il ne faut pas négliger les effets collatéraux de ces pratiques : un vigneron qui se donne le double ou le triple de travail pour apporter à la vigne et à son sang des soins maternels aussi contraignants ne va pas gâcher son travail par des négligences lors des autres phases de la vinification non spécifiquement codifiées par la charte à laquelle il adhère.

Quels inconvénients ?

Dialogue entendu lors d'un repas entre deux producteurs goûtant leurs produits respectifs. Le vigneron classique fait grise mine devant le verre de vin très trouble et légèrement pétillant que lui a servi son collègue naturel et d'où se dégage une odeur hybride de choux rance et de pomme fermentée :

- Ton vin est un concentré de tous les défauts qu'on s'efforce habituellement d'éviter.

- Oui, mais ils sont naturels !

Le problème vient du fait que, même avec des vendanges parfaitement mûres et saines, le vin reste malheureusement capricieux. Face à des incidents de vinification toujours possibles générant des altérations voire des contaminations, le vigneron naturel se trouve bien démuni, même avec sa petite dose de sulfite autorisée. Car il faut bien le dire : même si les choses vont en s'améliorant, le vin parfaitement naturel et parfaitement réussi sur tous les plans reste un vrai challenge. Les défauts les plus courants sont, parmi d'autres : la présence de brettanomyces avec des arômes d'écurie, de sueur, de gouache, dus aux phénol, l'oxydation des vins avec des arômes de pomme, blette, d'aigreur, ou encore les arômes rances dus à une activité non contrôlée des bactéries lactiques. On l'aura compris : au royaume des vins naturels, tous les breuvages ne sont pas égaux devant Bacchus !

Il y a un autre problème encore qui fait que, actuellement du moins, les grands vins de garde, amples, gras et généreux comme on les aime aussi, ne peuvent pas être produits selon les critères stricts des vins naturels, ne serait-ce qu'à cause du tabou des sulfites. En vinification classique, en effet, pour être protégé de l'oxydation et stabilisé microbiologiquement, un vin peu acide (pH 4) nécessite 10 fois plus d'ajout de sulfites qu'un vin acide (pH 3), car il est beaucoup plus vulnérable.

Conséquences ?

Plus un vigneron cherche à produire un vin bio, et a fortiori un vin naturel, plus il est tenté d'éviter les problèmes en produisant un vin suffisamment acide pour compenser le moindre emploi de sulfites.

Comment ?

Parfois en récoltant le raisin un peu avant l'obtention de sa maturité optimale (d'où le nombre important de vins naturels très tendus, voire trop vifs), ou même en acidifiant artificiellement le moût à l'acide tartrique (ajout autorisé en vins biologiques, hé hé !). Et souvent aussi en produisant plutôt des vins fruités, peu extraits, à boire de préférence en primeur, car peu taillés pour résister sans incidents à un long vieillissement en bouteille.

Carpe vinum !

Le phénomène des vins naturels a des répercussions qui dépassent largement le 1% de vins naturels actuellement concernés, car il participe d'une tendance générale à fuir les dangereux mirages d'une production alimentaire industriellement et chimiquement assistée. La plupart des vignerons actuels restés classiques avouent qu'ils ont utilisé dans les décennies antérieures des quantités de produits à des doses qui les feraient rougir actuellement, et le nombre de vignerons passant au biologique et à la biodynamie, ou ne serait-ce qu'à l'agriculture raisonnée, va croissant. Les vins naturels sont la pointe avancée de ce combat et, à ce titre, méritent d'être suivis avec le plus grand intérêt.

Pour cette raison même, nous devons rester exigeants avec eux. Chez ces vins, le caractère naturel doit être un plus, en aucun cas une excuse : on ne peut pas tout accepter au seul prétexte que « c'est naturel ! ». Rien ne desservirait mieux leur cause que l'enfermement dans une sorte de « tribu » inconditionnelle et sectaire, plus idéologique qu'œnologique, qui diviniserait jusqu'à leurs défauts, quand ils en ont. Sans esprit de chapelle, nous continuerons donc à faire confiance en priorité à nos papilles, tout en nous réjouissant par avance de tous les bons vins toujours plus sains que ne manquera pas de continuer à produire autour d'elle cette salubre soif actuelle de « naturel ».

Jean-Louis

vins°bio

Annexe 1 : Vins conventionnels, ou produits en Agriculture Raisonnée, ou en AB :

- Produits autorisés :

Acide citrique - Acide L(+) tartrique - Acide L-ascorbique - Acide L-malique D,L malique - Acide lactique - Acide métatartrique - Albumine d'oeuf (Ovalbumine) - Anhydride sulfureux (SO²) - Bactéries lactiques - Bentonite - Bicarbonate de potassium - Bisulfite de potassium - Bisulfite d'ammonium - Carbonate de calcium - Carboxymethylcellulose (CMC) - Gomme de cellulose (CMC) - Caséinate de potassium - Caséine - Charbon œnologique - Chitine-glucane - Chitosane - Citrate de cuivre - Colle de poisson - Dichlorhydrate de thiamine - Dioxyde de silicium (gel de silice) - Ecorces de levures - Enzymes bêta-glucanases - Ferrocyanure de potassium - Gélatine - Gomme arabique - Hydrogenophosphate di-ammonium (phosphate diammonique) - Hydrogénotartrate de potassium (Crème de tartre) - Levures sèches actives (LSA) - Lysozyme - Mannoproteines de levures - Matières protéiques d'origine végétale issues du blé ou du pois - Métabisulfite de potassium - Morceaux de bois de chêne - Moût concentré - Mout concentré rectifié - Polyvinylpolypyrrolidone (PVPP) - Préparations enzymatiques (pectinases) - Saccharose (Sucre) - Sulfate de cuivre - Sulfate d'ammonium - Tanins œnologiques - Tartrate neutre de potassium - Uréase

- Techniques autorisées

Acidification par traitement électromembranaire - Auto enrichissement par évaporation - Auto enrichissement par osmose inverse - Electrodialyse - Fermentation alcoolique spontanée - Flash pasteurisation - Microfiltration tangentielle - Résine échangeuse de cations

Annexe 2 : Vins Biologiques

- Produits autorisés

Acide citrique - Acide L(+) tartrique - Acide L-ascorbique - Acide lactique - Acide métatartrique - Albumine d'œuf (Ovalbumine) - Anhydride sulfureux (SO²) - Bactéries lactiques - Bentonite - Bisulfite de potassium - Métabisulfite de potassium - Bicarbonate de potassium - Carbonate de calcium - Caséinate de potassium - Caséine - Charbon œnologique - Citrate de cuivre - Colle de poisson - Dichlorhydrate de thiamine - Dioxyde de silicium (gel de silice) - Ecorces de levures - Gélatine - Gomme arabique - Hydrogenophosphate di-ammonium (phosphate diammonique) - Hydrogénotartrate de potassium (Crème de tartre) - Levures sèches actives (LSA) - Matières protéiques d'origine végétale issues du blé ou du pois - Morceaux de bois de chêne - Moût concentré - Mout concentré rectifié - Préparations enzymatiques (pectinases) - Saccharose (Sucre) - Sulfate de cuivre - Tanins œnologiques - Tartrate neutre de potassium

- Techniques autorisées

Auto enrichissement par évaporation - Auto enrichissement par osmose inverse - Fermentation alcoolique spontanée - Microfiltration tangentielle

Annexe 3 : Vins Demeter

- Produits autorisés

Albumine d'œuf (Ovalbumine) - Anhydride sulfureux (SO²) - Bentonite - Charbon œnologique - Saccharose (Sucre)

- Techniques autorisées

Microfiltration tangentielle

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