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ÉCHO des pressoirs

 

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L'écho des pressoirs n°262 mars-avril 2020

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Editorial : mais quel est donc le dernier avatar de Demeter ?

 

C’était une sœur de Zeus, révérée comme déesse des moissons et de l’agriculture. C’est elle qui fournit aux humains les premiers grains de blé, et leur enseigna l’agriculture, en respectant le rythme des saisons. Elle ne siégeait pas dans l’Olympe, car elle préférait demeurer près de la terre nourricière.

Au début du siècle dernier, en Allemagne, des agriculteurs créèrent la marque Demeter. Elle est aujourd’hui gérée par une association qui se décline en associations nationales, comme Demeter France. Elle promeut l’agriculture biodynamique, et propose des cahiers des charges pour la production d’aliments - dont les vins -, de cosmétiques ou de textiles.
Elle assure ensuite le contrôle strict des producteurs qui se sont engagés dans cette démarche, et certifie leurs produits, en leur permettant d’y apposer un label.

Concernant les vins, la certification Demeter est une des plus exigeantes, comme l’avait montré un excellent éditorial sur les Vins Naturels (retrouvez-le en deux clics, grâce au formulaire de recherche de notre site).

Mais Demeter a, depuis l’hiver 2019, un autre avatar ! Il s’agit d’une cellule créée par la direction de la Gendarmerie, sous l’égide du Ministère de l’Intérieur.

Selon la présentation qui en est faite sur le site intérieur.gouv.fr, il s’agit de lutter contre un phénomène « grandissant et inacceptable : des individus s’introduisent dans leurs exploitations agricoles et les bloquent. Ils font des films aux commentaires orduriers, avant de jeter les exploitants en pâture sur les réseaux sociaux. Parfois même, les intrus dégradent, cassent et volent. ». Ces phénomènes « nourrissent l’agribashing, la défiance et l’hostilité ». Et c’est bien M. Castaner qui emploie ce viril language !

Le périmètre de compétence de la Cellule DEMETER englobe la prévention et le suivi :

  • des actes crapuleux, qu’il s’agisse d’une délinquance de proximité ou d’opportunité.

  • des actions de nature idéologique, qu’il s’agisse de simples actions symboliques de dénigre- ment du milieu agricole ou d’actions dures ayant des répercussions matérielles ou phy- siques.

Bien évidemment, la FNSEA se félicite de l’existence de cette cellule placée sous les auspices bien- veillants de la déesse !

Alors je vais faire très attention à ne pas faire d’agri-bashing, ni à faire preuve d'idéologie, en me référant à trois publications difficilement contestables :

- La Cour des Comptes a envoyé fin 2019 à M. Castaner un référé déplorant que les trois plans "Ecophyto" consécutifs au "Grenelle de l’environnement", qui avait fixé en 2007 un objectif de réduction de moitié de l’usage des pesticides à l’horizon 2018, soient restés « très en deçà des objectifs fixés ».

Sans vouloir faire du magistrat-bashing, c’est curieux, chez les auditeurs de la Cour des comptes, cette manie de faire des phrases anodines ! Car ces mêmes magistrats relevaient, à l’appui de leurs dires, que l’usage des pesticides avait en fait augmenté de 12% entre 2009 et 2018. Ils auraient pu dire que les agriculteurs productivistes s'étaient complètement moqués des travaux du Grenelle, et que les gouvernements successifs avaient totalement omis de contrôler les résultats des plans Ecophyto n° 1 à 3. Mais sans doute les auditeurs de la Cour des Comptes ne souhaitent pas être accusés de dénigrer le milieu agricole, de peur d'être eux-mêmes interrogés par la cellule Demeter.

- Le second document date déjà de presque trois ans (octobre 2017) : c'est une étude scientifique, publiée (en anglais) dans la revue Plos One, dont le titre indique « En 27 ans, plus de 75% de déclin de la biomasse d'insectes volants, mesurées dans des aires protégées ». Personnellement, je vois une corrélation étroite entre ces deux informations.

- En ces temps de confinement, terminons par une troisième donnée liée au coronavirus. Les épandages agricoles ont été à l’origine de pics de pollution en Ile-de-France et dans le Grand-Est. Et ceci malgré la très forte diminution du trafic routier.

Cet épisode de pollution se caractérise par « une part importante de particules secondaires formées à partir d’ammoniac et d’oxydes d’azote, l’ammoniac étant issu majoritairement des épandages de fertilisants », selon Atmo Grand-Est, l’organisme chargé de la surveillance de la pollution de l’air dans la région.

Enfin Atmo France, qui regroupe l’ensemble des organismes de surveillance de la qualité de l’air, conclut qu’ « une exposition chronique à la pollution de l’air est un facteur aggravant des impacts sanitaires lors de la contagion par le Covid-19 ».

Un collectif de scientifiques a demandé aux préfets de « prendre des mesures urgentes visant à limiter drastiquement les émissions liées aux épandages agricoles afin de tout mettre en œuvre pour limiter la propagation du virus ». Dans un communiqué publié le 26 mars, la FDSEA 29 s’est élevée contre cette demande.

Force est pourtant de constater que ces épandages ont bien des "répercussions matérielles ou physiques" ! Mais que fait donc Demeter (la cellule) ?

Parce que Demeter la déesse, je l'ai vue errer entre une vigne et un champ de maïs, les yeux larmoyants et le visage couvert d'un masque FFP2.

Vincent

 

EN COMPLÉMENT : LES BONNES LECTUREs DU WEBMESTRE

La version pédéheffe de l'EDP comporte des liens vers deux articles parlant de la bio-dynamie, avec une certaine aigreur. Leur lecture m'a rappelé quelque chose...

Pour un autre flinguage en règle de la bio-dynamie, il faut lire le chapitre « Théorie du fumier spirituel », dans le bouquin « Cosmos » de Michel ONFRAY. Ça commence comme ça : « J’aime le vin, et si j’avais pu boire une seule fois dans ma vie un bon flacon conçu selon les principes de l’agriculture bio-dynamique, je ne me serais pas interdit la philosophie de Rudolf Steiner, car sa pensée aurait été validée par ses produits ».

Ce texte m’a fait découvrir les théories extrêmement fumeuses de Steiner, qui ne sont jamais étayées par autre chose que des affirmations, et Michel Onfray, qui contrairement à moi, a fait l’effort de lire Steiner en détail, fait la coruscante démonstration de l’inanité de l’anthroposophie.

Cependant, Onfray est un peu outrancier, car certains vignerons pratiquent une bio-dynamie light qui se limite à un travail particulier du sol, et à des soins de la vigne par des tisanes, et se contre- fichent de la bouse de corne enterrée par lune descendante. Et nous avons tous je pense goûté quelques flacons conçus selon les principes de l’agriculture bio-dynamique et qui ont charmé cependant nos papilles.

Onfray a donc tort de généraliser, et il mérite de s’attirer l’ire de Demeter la déesse, les suspicions de Demeter la cellule, et évidemment de l’animosité de Demeter l’association.

 

 

 

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