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Editorial : Carménère, Torrontés et Malbec : trois
cépages phares d’Amérique du Sud
L’Amérique du Sud ignore les contraintes qu’imposent les
AOC françaises : la seule sanction du vigneron est celle du résultat final. Et ce résultat
final, caractérisé avant tout par un rapport qualité prix avantageux, a déjà commencé à arriver
sur nos tables.
Les zones tempérées étant les plus propices à la culture qualitative
de la vigne, c’est très logiquement au Chili et en Argentine que l’on trouve la plus grande
quantité de grands crus.
Dans les autres pays plus près de l’équateur, on trouve également
quelques vignobles, mais le viticulteur doit alors chercher un climat plus propice à la vigne, à des
altitudes parfois supérieures à 2000 m.
A côté de cépages plus locaux tels que le cereza, le bonarda
ou le pedro ximenés, on retrouve sans surprise les grands cépages traditionnels jouissant
d’une bonne adaptabilité tels que le cabernet sauvignon, le merlot, la syrah, ou le chardonnay.
Certaines bodegas en tirent d’ailleurs des crus excellents, dans lesquels ces cépages « chantent » d’une
manière sensiblement différente de celle à laquelle ils nous ont accoutumés en
France. A l’inverse, d’autres cépages donnent des résultats moins convaincants
: c’est le cas par exemple du pinot noir, qui ne trouve pas là-bas la douceur d’un climat
assez tempéré pour modérer quelque peu sa maturation naturellement rapide.
Sous ces latitudes toutefois, trois cépages forment avec leur terroir
et leur climat une quasi « AOC de facto », à savoir
le carménère chilien de la vallée du Maipo, le torrontés de Cafayate au nord
de l’Argentine, et le malbec de Mendoza au centre de l’Argentine.
- Les Chiliens ont cultivé pendant longtemps du carménère sans
le savoir, car ils le prenaient pour du merlot! Comme le carménère est originellement un cépage
bordelais, c’est un oenologue français de passage au Chili qui incidemment les a détrompés.
Depuis, ils ont su exploiter sa parfaite adéquation au terroir chilien, jusqu’à tendre
aujourd’hui à en faire l’emblème national de leur viticulture. Le carménère
chilien se reconnaît très facilement à ses arômes intenses de cerise et de mûre,
il est facile car il est peu acide et peut se boire jeune en raison de la douceur de ses tannins. Le Casillero
del Diablo que l’on trouve par exemple chez Leclerc pour moins de 8 euros
en est un bon exemple.
- Le torrontés argentin
est un cépage blanc dont les arômes explosent littéralement en bouche. Il est issu d’un
croisement de la criolla chica avec le muscat d’Alexandrie, et il est vinifié principalement
en vin blanc sec. Il faut le consommer jeune pour profiter pleinement de ses arômes primaires d’ananas,
de pêche blanche et de rose. Il réclame un plus fort ensoleillement que les autres cépages
blancs ainsi qu’une chaude arrière saison, d’où sa parfaite adaptation au nord
de l’Argentine. Mais il est encore très peu commercialisé en Europe.
- Originaire de France, où il peine toutefois à trouver le très
fort et très long ensoleillement dont il a besoin pour parvenir à sa pleine maturité phénolique,
le malbec est devenu le cépage emblématique
de l’Argentine en général, et de la province de Mendoza en particulier. En raison de
la barrière des Andes culminant ici à près de 7000 m et qui arrête les pluies
du Pacifique, il y trouve en effet le climat sec et continental très fortement contrasté propice à son équilibre
maturité/acidité. Il se prête particulièrement bien aux vinifications en monocépage
car il possède à la fois un fruit intense très caractéristique de baies rouges
et d’épices (exemple : La Consulta de
la Finca La Celia, que l’on trouve également
chez Leclerc pour 6,60 € et que l’on peut boire jeune pour son fruit) mais aussi une belle structure
tannique soyeuse qui lui donne un potentiel de vieillissement digne des grands Bordeaux (ex : le Felipe
Rutini, de la bodega La Rural,
qui atteint les prix des grands Pauillac).
Bref, on peut aussi boire les vins d’Amérique du Sud sans devoir
renoncer à la conception française qui veut qu’un grand vin soit une rencontre providentielle
entre un sol, un climat et un cépage : avec ces trois cépages d’Amérique
Latine, les conditions sont remplies pour produire de grands crus. Le reste dépend de la volonté et
de la capacité du producteur à tirer parti de ces atouts. Quant à la
façon de se faire soi-même une idée, bien des BCBGistes vous
diront que rien ne vaut la bonne vieille méthode de la dégustation…
JEAN-LOUIS