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ÉCHO des pressoirs

 

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L'écho des pressoirs n°203 novembre 2012

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Editorial : Contient des sulfites

Cette mention, devenue obligatoire sur les bouteilles de vin, est destinée à nous mettre en garde contre un additif présentant divers risques d’intolérance, en particulier chez les asthmatiques. A l’heure d’une exigence grandissante de produits naturels, y compris dans le domaine viticole avec les raisins bios puis, tout récemment, avec le label européen de « vin biologique », cette mention peut légitimement susciter diverses questions: pourquoi conserver cet additif, y compris dans la charte du vin bio? N’y aurait-il pas des produits plus sains pour le remplacer? Comment faisait-on avant quand on n’avait pas encore inventé les sulfites? 

Pour répondre à ces questions, il faut se rappeler que le vin tel que nous l’aimons n’est qu’un stade intermédiaire dans la nature, car le produit ultime issu d’une fermentation complète 100% naturelle du jus de raisin est bel et bien… le vinaigre ! Par son action sur les bactéries acétiques, le SO2 permet donc au vinificateur de maîtriser la flore microbienne du vin à tous les stades de la vinification : sur les baies avant la récolte puis à l’encuvage, afin d’éviter la prolifération de bactéries et même de certaines levures indigènes indésirables, durant l’élevage afin de stabiliser le vin après sa fermentation malolactique ou même avant afin de l’empêcher, comme dans les rosés et dans la plupart des vins blancs, et enfin à l’embouteillage afin d’assurer sa bonne conservation.

Nos ancêtres les Gaulois étaient déjà des fervents adeptes de la dive amphore, mais vu les méthodes d’alors pour produire et conserver le vin, je doute fort que les distingués membres de notre vénérable association se soient pâmés devant leur crus qui, dans le meilleur des cas, devaient impérativement être consommés très jeunes en raison de leur extrême instabilité. L’utilisation des sulfites s’est surtout généralisée à partir du XIXème siècle, conséquence de notre goût croissant pour les vins en bouteilles pouvant être conservés quelques années.

Car même actuellement, au contraire de ses concurrents tels que l’acide ascorbique ou le sorbate de potassium, le SO2 est le seul produit qui soit à la fois un conservateur, un antiseptique, et un antioxydant. C’est ce pouvoir antioxydant du SO2 contre les enzymes oxydatives qui permet d’éviter la détérioration de la qualité de l’arôme et l’apparition de l’évent.

Paradoxalement, les sulfites sont aussi des produits naturels: ils sont générés en faible quantité par la pellicule même du raisin, qui cherche ainsi d’elle-même à se protéger, et en plus grande quantité (jusqu’à 30 mg par litre) par le processus de la fermentation alcoolique: ainsi, même en l’absence d’apports extérieurs en SO2, aucun vin ne peut se vanter d’être sans sulfites.

D’ailleurs, aux doses habituellement pratiquées par les bons viticulteurs, même un buveur sans modération n’a pas à craindre de dépasser les doses journalières admissibles en sulfites (rassurons-le: il ne mourra pas de ça…). C’est encore plus vrai s’il consomme majoritairement du vin rouge, moins demandeur en SO2 (maximum 160 mg/litre) car déjà naturellement stabilisé par ses tannins. Le vin blanc a besoin de sensiblement plus de soufre (jusqu’à 201 mg/litre) pour se stabiliser, surtout s’il n’a pas fait sa malolactique, et le vin liquoreux encore plus (jusqu’à 400 mg/litre) afin d’empêcher son abondant sucre résiduel de repartir en fermentation. En outre, n’oublions pas que beaucoup d’autres aliments contiennent pour leur conservation jusqu’à 10 fois plus de sulfites ajoutés que le vin, comme par exemple les fruits secs ou les charcuteries.

Petite consolation supplémentaire : comme tout en ce bas monde, les sulfites aussi sont mortels. Au bout d’un certain temps, en effet, les sulfites utilisés au cours de la vinification se désintègrent en s’assimilant à la structure moléculaire du vin. Ils sont alors inactifs et on les désigne sous le nom de « sulfites combinés » pour les différencier des « vrais » sulfites actifs, appelés « sulfites libres », qui proviennent principalement du SO2 ajouté  lors de l’embouteillage.

Certains vignerons jusqu’au-boutistes tentent bien de faire un vin absolument sans sulfites ajoutés, mais il leur faut alors pratiquement transformer leurs chais en caisson étanche où l’on ne pénètre qu’en combinaison aseptisée, et ils se trouvent bien démunis quand, malgré toutes ces précautions, un incident se produit. Et même en cas de succès, mieux vaut ne pas garder trop longtemps ces vins en bouteille ni les faire voyager. Dans tous les cas, plutôt que de chercher à bannir totalement le SO2, il paraît préférable de privilégier un usage modéré et raisonné des sulfites.

Il faut en effet se méfier de vignerons peu consciencieux  qui utilisent systématiquement et massivement  les sulfites comme cache-misère pour compenser une médiocre qualité de la  vendange ou le manque d’hygiène de leurs installations. Car malheureusement les sulfites peuvent aussi servir à récupérer des grappes malsaines atteintes de pourriture grise, ou à s’épargner un suivi méticuleux des processus de vinification et d’élevage par le recours à un sur-sulfitage préventif totalement disproportionné. 
Au vu de ces réflexions, on l’aura compris, la mention brute « CONTIENT DES SULFITES » n’a pas grand sens car elle jette un même soupçon d’infamie sur le bon et le mauvais vigneron. Pour mieux identifier les bonnes pratiques au service conjoint des bons crus et de notre santé, mieux vaudrait inciter les vignerons à adopter une démarche qualité en modifiant légèrement l’intitulé de la mention légale : « CONTIENT xxx MG / LITRE DE SULFITES ».

Jean-Louis

nouveau: traduction automatique en 50 langues!!

 

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