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ÉCHO des pressoirs

 

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L'écho des pressoirs n°274 février 2022

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Editorial : Merci aux bactéries, merci aux virus !

C'est ce que dit Marc-André Selosse, grand amateur de vins, enseignant-chercheur au Museum d'Histoire Naturelle, spécialiste mondialement connu des interactions symbiotiques entre plantes et champignons. L'un de ses derniers ouvrages s'intitule « Jamais seul: ces microbes qui construisent les plantes, les animaux et les civilisations ».

Il a également mené des recherches sur un vilain champignon tout noir : la truffe du Périgord.

Les microbes

Ce terme recouvre les bactéries, les champignons ou les algues microscopiques, et les virus. Diversité d'espèces (plusieurs millions) et de modes de vie, de métabolismes... Certains oxydent le fer, d'autres transmutent l'azote en protéines. Historiquement, les microbes ont été découverts par leurs effets délétères, étant la cause des maladies. Nous commençons seulement à déceler les aspects bénéfiques de certains d'entre eux, qui bénéficient à l'homme ou la plante. Une plante saine contient 100.000.000 de bactéries par gramme ! Une feuille de vigne reçoit en permanence une pluie de spores de nombreuses espèces, certaines pathogènes, mais d'autres protectrices. Un sol sec contient 1.000.000.000 de bactéries par gramme, d'environ 1.000.000 d'espèces différentes, et des dizaines de milliers d'espèces de champignons. La racine de la plante s'enchevêtre avec les filaments des champignons (les hyphes, qui ont l'épaisseur d'une seule cellule), cette association symbiotique étant appelée mycorhize. Du coup, cela étend la surface et le volume de sol exploré par la plante, qui peut ainsi assimiler des nombreux éléments minéraux... ou tout simplement de l'eau. En contrepartie, la plante fournit au champignon une partie de ses ressources carbonées et des vitamines, captées par les feuilles. Il y a également des mécanismes d'échange d'information entre le mycorhize et le système immunitaire de la plante, complexes et encore assez mal expliqués.

Pratiques agricoles et mycorhize

Si on fournit à la plante beaucoup d'engrais, elle arrête d'interagir avec les champignons, et s'affaiblit car elle perd leur effet protecteur. D'où nécessité pour lutter contre les pathogènes de recourir à des pesticides adaptés. Mais certains comme le glyphosate tuent les spores dans le sol. Les labours peuvent aussi faire s'effondrer les populations de champignons, ce qui rend la plante encore plus dépendante des engrais pour se nourrir. Ces pratiques ont permis d'éliminer les famines, mais les sols sont abîmés, les eaux sont polluées. Marc-André Selosse plaide pour prendre aujourd'hui en compte les lois de l'évolution.

Application à la viticulture

Les microbes et les virus présents sur la vigne s'adaptent et évoluent sans cesse, mais la vigne, quand on la reproduit par bouturage ou greffage, n'évolue pas ! Les AOC ont rigidifié dans le marbre des décrets la liste des cépages agréés, et de leurs clones autorisés. Marc-André Selosse suggère plusieurs pistes:

• exploiter le patrimoine des cépages "oubliés", ceux qui ont cessé d'être plantés après le phylloxera. Ils pourraient servir de briques pour la sélection de nouveaux cépages. Y compris en les croisant avec des hybrides... malgré la mauvaise réputation de ces derniers.

• revenir à la reproduction sexuée, par pollinisation des fleurs, et semis des pépins, ce qui permettrait de temps à autre de découvrir un nouveau cépage.

• jouer avec la complantation, pour limiter la propagation des pathogènes. Cela se faisait traditionnellement en Alsace (une tradition reprise par Marcel Deiss), ou en Espagne. Personnellement nous avons observé en Crète une parcelle d'environ un hectare, où les ceps étaient entourés d'aubergines, d'artichauts, de tournesols et de concombres. Certes la vendange est plus compliquée ! Mais si un pathogène s'attaque à un cep— ou à un concombre, il aura du mal à franchir la barrière formée par les autres plantes, qui le maintiennent à distance du cep ou du concombre voisin. Ce vieux pâtre grec faisait de l'agroforesterie dans le savoir !

Marc-André Selosse conclut : la biodiversité c'est une solution, et c'est notre avenir.

Vincent

NB cet édito résulte de notes prises à la lecture d'un article paru dans la revue Le Rouge et le Blanc, n°138. La fin de l'article parlait des tannins, à propos de son livre « Une histoire naturelle des tannins, de l’écologie à la santé » mais cela fera l'objet d'un prochain édito.

 

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