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ÉCHO des pressoirs

 

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L'écho des pressoirs n°267 Février Mars 2021

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Editorial : Pour boire sain, buvons acide ?

 

Dans un récent article de la RVF sur les nouveaux vins blancs de Bourgogne, on nous rappelle la tendance actuelle d’un certain public, suivi par une certaine catégorie de vignerons, à privilégier les vins blancs dits « tendus » (euphémisme pour désigner la « fraîcheur », terme qui est lui-même un euphémisme pour désigner tout simplement un plus fort degré d’acidité d’un vin). Exit donc les Bourgogne gras et opulents, aux délicieuses notes beurrées obtenues par une micro-vinification lente et minutieuse en fûts de chêne neufs au grain fin et au brûlage mesuré à la seconde près, telles qu’elles s’expriment si somptueusement dans les grands Meursault ?

Une autre tendance actuelle du public, et en particulier des nouveaux publics, est la recherche de boissons plus faiblement alcoolisées. Exit donc les grands Châteauneuf généreux et gorgés de soleil, mais dont le degré alcoolique réel vient chatouiller les 16 degrés ?

Une troisième tendance, elle aussi particulièrement répandue chez les nouveaux publics, est la recherche de vins dits « nature » (ce qui se résume pour la plupart à « sans sulfite »), et de préférence « non boisés ». Là encore, exit les grands vins de longue garde, dont une dose minimale de sulfites reste aujourd’hui comme hier la seule garantie d’une saine évolution en bouteille ?

Malheureusement, ces trois tendances se retrouvent en porte-à-faux par rapport à l’évolution climatique actuelle. Le réchauffement perceptible qu’entraîne cette dernière ne cesse en effet d’accélérer la maturation des vendanges. Or, manque de chance, les trois conséquences principales en sont à la fois la baisse du taux d’acidité des moûts, l’élévation du taux de sucre donc d’alcool, et la difficulté d’assurer dans de telles conditions une vinification puis un vieillissement optimal sans le recours à un minimum d’intrants.

Pour les viticulteurs désireux de suivre ces nouvelles demandes d’un public grandissant, comment lutter le plus naturellement possible contre cette évolution de la nature elle-même ?

Étant donné que le degré d’alcool et le degré d’acidité sont directement corrélés au degré de maturité, la mesure la plus couramment adoptée par les vignerons désireux de faire baisser le degré d’alcool sans ajout d’intrants acidifiants est donc de vendanger plus précocement qu’en vinification classique, donc avant que le raisin n’ait atteint sa maturité alcoolique et phénolique optimale.

Double bénéfice ! Car sachant que le besoin de protection qu’apportent les sulfites croît de manière exponentielle avec la baisse du degré d’acidité du vin, cette hausse de l’acidité permet du même coup de réaliser avec moins de risques un vin « sans sulfites » (car entre un moût relativement acide au pH de 3,2 et un autre relativement peu acide au pH de 3,8, le besoin en sulfites est multiplié par 4).

Vue sous cet angle, l’acidité d’un vin apparaît donc ici moins comme un objectif gustatif recherché positivement pour lui-même que comme le prix à payer pour se plier à des contraintes étrangères au seul impératif du goût. A l’extrême limite, boire ce type de vin deviendrait presque un geste militant !

La demande d’un moindre degré d’alcool et d’un abandon du recours aux sulfites fût-ce au prix d’une plus grande acidité ne concerne d’ailleurs pas que les blancs, mais s’étend aussi de plus en plus aux vins rouges, d’où l’accent mis par certains vignerons sur la « fraîcheur » de leurs rouges. Et de là découle également l’acidité souvent un peu trop agressive des vins rouges dits « nature ».

Face à l’évolution de cette demande, certes générale car dans l’air du temps, mais également majoritairement portée par de plus jeunes publics « éco-responsables » convertis de plus fraîche date aux joies de la dive bouteille, il semble judicieux de rappeler deux évidences un peu oubliées :

- Un vin rouge obtient d’autant mieux la plénitude de ses parfums et de ses saveurs que la date de la vendange a permis de se rapprocher de l’optimum de maturité de ses grappes. Si, par exemple, aujourd’hui nous pouvons oublier la sinistre rusticité des anciens Cahors et boire d’excellents malbecs de cette appellation, c’est parce que, lorsqu’il est couplé à une baisse des rendements, le réchauffement climatique a permis à ce cépage très tardif d’arriver avant sa vendange à sa pleine maturité même dans cette région.

- A petites doses, les sulfites ne présentent strictement aucun danger pour l’homme, ce pourquoi, rappelons- le, à ces doses-là ils sont autorisés en agriculture biologique (et même dans certains labels officieux de « vin nature » !). Ils sont d’ailleurs présents naturellement dans la grappe, puis sont tout aussi naturellement générés spontanément par les levures lors de la fermentation alcoolique (c’est pourquoi, en bonne logique, la mention devrait être « sans sulfites ajoutés » plutôt que « sans sulfites »). De plus, ils sont omniprésents dans les produits alimentaires couramment consommés : par exemple dans les fruits secs, en particulier les semi- moelleux où leur concentration est extrême, sans que ces mêmes personnes qui en exigent le degré zéro dans le vin ne s’en incommodent dès lors qu’il s’agit de fruits. S’il est vrai que, dans le passé, les viticulteurs ont abusé des sulfites à tous les stades de la vinification et que l’on peut donc facilement renoncer à ces pratiques abusives par un soin accru apporté à la vinification, rappelons qu’aucun grand vin vinifié à pleine maturité ne peut vieillir ni continuer à se bonifier en bouteille sans risques durant de nombreuses années sans la protection d’une dose minimale de SO2 actif rajouté au moment de son embouteillage. Même pour notre estomac, un soupçon de sulfites à l’embouteillage vaut largement mieux qu’un excès gênant d’acidité dont la seule justification serait le droit d’arborer fièrement sur l’étiquette le sésame « sans sulfites ».

Pour toutes les raisons évoquées ci-dessus, la vogue des vins plus « frais » qu’avant n’est pas près de faiblir. Elle culmine aujourd’hui dans la vague montante des vins dits « nature », dont beaucoup sont certes une réussite incontestable dans le créneau des vins « frais » à boire jeunes, mais dont la plupart présentent encore, à des degrés divers, des particularités que la vinification classique orthodoxe classe parmi les défauts, voire parmi les contaminations.

Pardon d’avance pour ces propos que certains trouveront peut-être un peu « acides », mais de toutes façons, tant qu’on ne sera pas réduit à devoir boire en 2021 du Latour 2020 primeur « tendu » et « sur le fruit », le monde du vin est si large que tout un chacun pourra continuer à y trouver le type de breuvage qu’il préfère.

Après tout, c’est cela seul qui compte : qu’importe le pH, pourvu qu’on ait la liesse !

Jean-Louis

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