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L'ŒNOLOGIE POUR TOUS : LA VINIFICATION
LES VINS MUTÉS

Définition

Historiquement, ces vins sont nés en réponse aux difficultés de vinification de cépages riches en sucre dans des régions chaudes, qui provoquaient des fermentations incontrôlables, promptes à s'arrêter et à générer des piqûres lactiques. Un ajout d'alcool en cours de fermentation était alors le moyen plus simple d'obtenir un produit stabilisé et d'un goût agréable. Aujourd'hui, ces problèmes techniques ont trouvé d'autres solutions (contrôle thermique des cuves, oxygénation, utilisation de gaz inertes, sulfitage raisonné), de sorte que les vins mutés ne se sont conservés que dans les quelques appellations qui ont atteint une grande notoriété grâce aux qualités organoleptiques spécifiques à leurs vins.

Les vins mutés actuels sont également appelés « vins de liqueur » car l'adjonction d'alcool destinée à les stabiliser peut aussi être un mélange d'alcool et de moût concentré.

Les vins de liqueur ont tous en commun d'avoir déjà opéré un début de fermentation avant leur mutation, réalisée au moyen d'un alcool désaromatisé. Ils ne doivent donc pas être confondus avec les mistelles, telles que le ratafia de Bourgogne, le pineau des Charentes, le floch de Gascogne, ou le macvin du Jura, qui sont des jus de raisin dont le mutage intervient avant toute fermentation, par l'adjonction d'une eau de vie locale qui contribue elle aussi à leur saveur (respectivement le marc de Bourgogne, le Cognac, l'Armagnac et le marc du Jura).

Les vins mutés se répartissent en « oxydatifs », élevés en fûts au contact de l'air, et en « réductifs » élevés à l'abri de l'air et vieillis en bouteilles, avec à la clé, dans chacun des cas, des caractéristiques très différentes.

Les vins doux naturels français (VDN)

Il s'agit principalement des Banyuls, Rivesaltes, Maury, et Beaume de Venise. Leur législation est plus contraignante que celle de l'Office International du Vin puisque non seulement leur territoire est délimité mais leurs cépages sont codifiés (selon leur appellation : exclusivement grenache, macabeu, malvoisie, muscat d'Alexandrie ou muscat à petits grains), leur rendement comme VDN est limité à 30 hl/ha, leur moût doit contenir au minimum 252 g/l de sucre (soit potentiellement 14,5%), la proportion d'alcool ajouté doit représenter entre 5% et10% du volume du moût, le mutage ne peut intervenir avant que la moitié du sucre n'ait été transformé en alcool, et le produit fini doit titrer entre 15% et 18% vol d'alcool. De plus, le sucre résiduel doit correspondre à une proportion de glucose/fructose prouvant que le vin n'a pas été artificiellement sucré par ajout de saccharose ou d'une trop grande quantité de moût concentré non fermenté.

La vinification

C'est le taux de sucre qui détermine la date de la vendange, non seulement par respect pour la norme en vigueur mais aussi parce que ce taux est globalement corrélé à la maturité aromatique. Chez les muscats, par exemple, le maximum aromatique est obtenu pour une teneur en sucre de l'ordre de 225 g/l. C'est une limite de maturation à ne pas dépasser car chez lui la botrytisation représente un gros danger pour ses arômes.

Les VDN blancs sont issus de grenache blanc ou gris, ou de macabeu. Ils sont vinifiés le plus souvent sans macération. Ce sont des vins non oxydés, légers, fruités, à consommer jeunes. Seuls les muscats bénéficient d'une courte macération pour aider à l'extraction de leurs arômes, par ailleurs très fragiles et requérant à ce titre une vinification très soignée.

Dès son extraction, le jus d'un VDN blanc est légèrement sulfité (5 à 10 g/hl), de préférence avec réfrigération, et débourbé. Durant la fermentation, la température varie entre 20 et 25° C, voire à 18° C pour les muscats.

Les VND rouges sont vinifiés avec macération, la séparation du jus avec le marc n'intervenant qu'à l'issue de quelques jours de cuvaison (entre 2 et 8 jours). Dans la plupart des cas, le mutage n'intervient que sur le jus, après séparation de son marc. Mais les VDN rouges plus concentrés en goût, en extrait sec et en couleur sont mutés sur le moût même, de sorte qu'une macération alcoolique en présence du marc se poursuit encore pendant 10 à 15 jours, amplifiant l'extraction des composés phénoliques.

Les grappes sont modérément foulées et égrappées, et la vendange est envoyée en cuve avec un léger sulfitage (5 à 10 g/hl). La température de fermentation est plus élevée que pour les blancs puisqu'elle se situe autour de 30° C afin de favoriser l'extraction durant la macération avec le marc.

Le mutage à l'alcool

Cette adjonction d'alcool non seulement stoppe l'activité des levures mais elle accentue aussi la dissolution des composés phénoliques durant la macération, tout en provoquant la précipitation de substances insolubles. L'alcool utilisé est obligatoirement de l'alcool de vin, mais neutre, afin de ne pas couvrir le goût originel du VDN. L'adjonction d'alcool peut être fractionnée si l'on veut ralentir les phénomènes fermentaires en les étalant dans le temps.

Le choix du moment du mutage est dicté par la mesure de la densité du moût, qui baisse à mesure que le sucre est transformé en alcool. On appelle « point de mutage » la limite en dessous de laquelle cette densité ne doit pas descendre afin que la richesse en sucre corresponde aux caractéristiques du VDN recherché.

Avant le mutage, la fermentation est préalablement arrêtée par refroidissement. Si le mutage est réalisé sur jus, on en profite pour éliminer les levures par filtrage ou centrifugation.

Les pH élevés (3,5 à 4), la teneur en sucre et la présence d'éthanol nécessitent que le vin soit ensuite immédiatement stabilisé par un nouveau sulfitage un peu plus soutenu (jusqu'à 10 g/l) destiné à bloquer les oxydations, dont la formation d'éthanal dû à l'oxydation de l'éthanol. Cette précaution s'explique par le fait que certaines souches de levures de contamination et certaines bactéries résistent à des taux d'alcool et de SO2 élevés. Dans ces cas extrêmes, une pasteurisation bien conduite ou une filtration stérilisante permettent l'élimination totale des germes pathogènes sans affecter notablement les qualités organoleptiques du vin.

La conservation et l'élevage

En raison de la diversité des VDN, les usages varient selon leur type.

Jusqu'à leur mise en bouteille, les muscats doivent continuer à être élevés en cuve à basse température (entre 15 et 17 ° C), sous gaz inerte, afin de préserver les arômes de toute oxydation.

A l'inverse, certains VDN rouges vont rechercher l'oxydation pour développer leurs arômes et saveurs spécifiques de type « rancio ». Ils sont alors gardés en fûts de chêne, parfois non ouillés, parfois même exposés au soleil, où ils acquièrent la couleur ambrée et les arômes caractéristiques des vins oxydés. Afin de ne pas compromettre ces arômes d'oxydation au moment de la mise en bouteille, les opérations de collage et de stabilisation par le froid sont donc toutes pratiquées avant la mise en fût.

Un autre type d'élevage rancio consiste à maintenir un fût incomplètement plein de 6 hl « en vidange » : chaque année on prélève du vin pour sa mise en bouteille et on complète avec du vin plus jeune.

Dans la plupart des autres cas, les VDN de qualité sont simplement élevés en fûts pendant 30 mois dans des caves à température modérée (entre 15 et 17° C) sans phénomènes oxydatifs particuliers. La mise en bouteille se fait ensuite, après un collage à la gélatine, et le vieillissement proprement dit intervient en bouteille par les processus habituels de réduction.

Les vins de Porto

Ils proviennent des pentes escarpées du Douro où ils poussent sur un sol schisteux et où ils bénéficient à la fois d'un très fort ensoleillement et de très grands écarts de température. Ce sont des conditions très propices à l'obtention de raisins riches en sucre, en arômes, et en pigments et autres composés phénoliques.

Les terroirs sont classés de A à F en fonction du terroir, des cépages, de l'âge des vignes, de l'altitude et de l'exposition.

Les cépages utilisés sont multiples (communément 15 rouges et 6 blancs, même si 35 cépages sont théoriquement autorisés). Les raisins sont ramassés très mûrs mais non passerillés. Ils doivent avoir une teneur minimale en alcool potentiel de 11 % vol, mais ils approchent souvent de 14% vol.

A l'arrivée à la cave, la vendange est éraflée et foulée pour faciliter la macération. Elle est sulfitée à 10 g/l, parfois acidifiée, mais non levurée. Durant la fermentation, la température est maintenue aux environs de 30° C.

Après l'obtention de 4 à 6 % vol. d'alcool, le jus est soutiré et clarifié avant d'être versé dans des "torreis", cuves remplies au cinquième d'alcool neutre de vin à 78%vol., afin d'obtenir un titrage final de 20% vol.

Parallèlement, le marc est pressé, et une partie des jus de premières presses, plus riches en couleur et en tanins, est ajoutée au jus de goutte muté.

Le Porto blanc, ou Branco Dourado, est élaboré à partir de raisins blancs exclusivement. Autrefois résolument doux, il est aujourd'hui plus ou moins doux selon les marques, et souvent sec. Avec l'âge, sa couleur passe du blanc mat au jaune paille ou or. Mais c'est une curiosité, le Porto reste rouge dans son immense majorité.

Le Porto rouge se subdivise en deux familles bien distinctes selon que son élevage se fait en milieu réducteur ou en milieu oxydatif : en milieu réducteur, le vin muté est élevé à l'abri de l'air, d'abord pendant 2 à 5 ans en grands tonneaux régulièrement ouillés, puis en bouteilles. Ce sont des vins d'un grenat très sombre de la famille des Ruby, des Crusted, des LBV et, pour les plus grands, des Vintages. En milieu oxydatif, au contraire, le vin muté est élevé entre 10 ans et 40 ans en barriques de 225 l à moitié remplies. Ce sont les vins très tuilés de la famille des Tawnies.

Les Portos « réductifs » :

- Dans la famille des « réduits », le Ruby, élevé en fût pendant 1 à 2 ans, est le porto de base le plus communément consommé. - Le Crusted est aussi un Ruby mais provenant de parcelles plus soigneusement sélectionnées.

- Le LBV représente l'aristocratie du Ruby : millésimé car produit seulement les bonnes années, il est élevé pendant 4 à 5 ans en fût. Par le soin apporté à son élaboration et à son élevage, c'est celui qui se rapproche le plus des grands Vintages. - -- Quant au Vintage lui-même, il représente la quintessence de la finesse, de la saveur, et de la persistance aromatique. A boire en apéritif, ou avec des fromages forts. C'est un produit exceptionnel provenant d'un assemblage des meilleures parcelles (« Quintas »). Il est millésimé car produit seulement les années exceptionnelles où chacune des parcelles sélectionnées entrant dans sa composition a atteint le niveau d'excellence requis (ce qui se produit seulement 2 à 3 fois par décennie). Il est d'abord élevé pendant 2 ans seulement en fût hermétiquement fermé, puis poursuit son élevage en bouteille, idéalement pendant 40 ans pour parvenir à son apogée (son prix peut alors varier entre 2000 et 3000 euros la bouteille...). Une fois ouvert, en revanche, il doit être bu dans les 24 heures afin que le contact de l'air ne vienne pas ruiner l'effet réducteur aussi patiemment obtenu. Il peut toutefois être consommé plus précocement, comme une sorte de « super LBV ». Les autres années moins fastes, lorsque seulement une des Quintas entrant dans sa composition a atteint le niveau d'excellence requis, il est produit sous le titre un peu moins prestigieux de « Single Quinta Vintage », à un prix un peu plus abordable. A cette différence près, l'élaboration du « Single Quinta Vintage » est semblable à celle du Vintage.

Les portos « oxydatifs »

Dans la seconde famille, celle des « oxydés », le Tawny est généralement vendu avec 10, 20, 30, ou 40 ans d'âge. L'âge indiqué est en réalité une moyenne entre le premier cru originel et le dernier des crus plus jeunes ayant régulièrement servi à son ouillage. Encore au-dessus de ces Tawnies, on trouve les Tawnies Colheita, millésimés car produits seulement les grandes années à partir d'une seule vendange. Ces derniers portent mention non seulement du millésime, mais aussi de l'année de mise en bouteille.

Les vins de Madère

Le Madère est également un vin muté et oxydé. Dans un premier temps, le moût est vinifié comme n'importe quel autre vin, et la fermentation, interrompue par une adjonction d'eau-de-vie neutre titrant 96% vol., produit le « vinho claro ». Ensuite les méthodes de vinification diffèrent selon le type de Madère : alors que les plus simples sont vinifiés selon la méthode rapide de l'« estufagem », les Madères supérieurs sont élaborés selon celle du « canteiro ».

L'estufagem :

Les Madères de base subissent un long séjour en "estufa" (étuve), où ils vont être amenés progressivement à une

température voisine de 45° C, maintenue pendant une cinquantaine de jours, ce qui produit le vieillissement accéléré caractérisant le Madère. Les vins secs sont d'abord chauffés puis fortifiés, alors que les vins doux sont d'abord fortifiés puis chauffés, mais dans les deux cas, il s'agit d'un traitement dur, destiné à obtenir le même effet que celui que produisaient autrefois les longs voyages en bateau. Ce traitement développe un goût de caramel, de noix et d'épices. Pour s'en remettre, le vin a besoin de 18 mois de repos. Après ce repos bien mérité, on le mélange à celui des années précédentes, selon un système de "soleras" évoquant celui pratiqué à Jerez. Un nouveau repos est nécessaire pour que le mariage des diverses années soit consommé. Le principal cépage employé pour l'élaboration de ce type de vin est un cépage rouge, la Tinta Negra Mole.

Le canteiro

Le canteiro (= foudre en portugais) réservé aux grands Madères. Ceux-ci sont issus des 4 cépages blancs traditionnels : Sercial, Verdelho, Bual et Malvazia, chacun employé en cépage unique en fonction du type de Madère visé : sec, demi sec, demi doux ou doux. Les grappes sont maintenues un temps sur lattes, où elles se gorgent de chaleur solaire, puis le vin est élevé entre 2 et 20 ans en milieu oxydatif dans des barriques de 600 litres ou plus, à demi pleines et stockées dehors à la température ambiante, ou directement sous les toits, où la chaleur est intense. Le vin issu de cette lente maturation est exceptionnellement résistant aux outrages du temps.

Les 4 types de grands Madères :

Il existe 4 types de grands Madères, selon le cépage employé.

1. Le cépage Sercial est à la base du Madère sec : avant 10 ans, le vin peut être âpre et cru. Quand il est mûr, il est léger, clair, et délicatement parfumé. C'est un bon apéritif.

2. Le Verdelho, qui est à la base du Madère demi-sec, est proche du Sercial mais sans son piquant. Il est également un agréable apéritif, mais peut aussi être servi sur les hors d'œuvres. Il est réputé être le meilleur accompagnement d'un consommé de tortue.

3. Le Bual, plus doux et lourd, au nez intense, fumé, de couleur brune, se rapproche plus du Malvazia. Il est à la base du Madère semi liquoreux.

4. Le Malvazia (ou Malmsey) est le cépage le plus ancien sur l'île. Il est encore plus doux et lourd que le Bual et est à la base du Madère liquoreux. C'est ce même cépage dont les italiens tirent le Frascati (en assemblage avec le Trebbiano). Il pare le Madère d'une robe foncée, tournant à l'ambre profond avec l'âge. Le Malvazia jeune est très corsé, avec toutefois ce goût vif et âpre unique du Madère. Avec l'âge, il reste corsé et garde sa saveur persistante, mais il s'adoucit, gagne en onctuosité, et acquiert un bouquet accentué. Il est idéal sur une bécasse, un foie gras ou du chocolat.

Memento pour bien décrypter les étiquettes :

Les « Réserve » ont 5 ans d'âge.

Les "Réserve Spéciale" : 10 ans.

Les "Réserve Extra" : 15 ans.

Un Extra millésimé est appelé « Colheita » ou encore « Madère Vintage ». Avant d'être commercialisé, il passe une vingtaine d'années en barriques, puis 2 ans en bouteille.

 

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